Chroniques

Duel Opposition-Majorité: Un signe de maturité politique ou un conflit de personnes ?

Dans les pays de traditions démocratiques, le jeu politique se caractérise généralement par une Majorité au pouvoir et une opposition qui se ressaisit, chaque fois après un verdict défavorable des urnes, pour jouer le rôle que lui confèrent les textes et lui tolère, sur le plan politique et éthique, l’usage spécifique du pays concerné.
Chez les deux camps, on s’accorde, par civisme, sur la nécessité de préserver la stabilité, la sécurité et les intérêts suprêmes de la nation.
D’autre part, le nombre des mairies contrôlées et des élus dans les deux chambres du parlement, crédibilisent généralement toute opposition auprès de la majorité et prédisposent les citoyens à lui accorder leur soutien au fur et à mesure que la majorité est mise à l’épreuve à travers l’exécution des engagements électoraux de son président élu.
Pour le cas de la Mauritanie, l’opposition est institutionnalisée et œuvre dans le cadre d’une instance propre et dont l’organisation, les missions et le mode de fonctionnement sont clairement définis et normalement respectés. C’est donc une grande percée dans le processus de démocratisation de la vie politique et économique dans notre pays.
Dans la pratique, notre opposition, qui avait des raisons valables pour reconnaître les résultats des dernières élections présidentielles de juillet 2009, avait malheureusement choisi une autre voie qui continue de l’affecter négativement et freiner le parcours du pays. Dans le cours normal des choses, elle aurait travaillé, au lendemain des élections perdues, pour resserrer ses rangs et mettre en place une stratégie qui lui permettrait de faire émerger des candidats potentiellement plus crédibles et d’exécuter un programme assez pertinent pour lui assurer de gagner les prochaines échéances par voie démocratique.
Cette nouvelle voie improvisée et surprenante par son caractère extrémiste, a fortement affaibli le pôle d’opposition qui a signé l’accord de Dakar et ce suite notamment au refus de certains partis de ce pôle de participer au dialogue politique proposé plus tard par le Président de la République Mohamed Ould Abdel Aziz en 2011. C’est ainsi que la scène politique a connu la naissance de la Coordination de l’Opposition Démocratique (COD) et laConvention pour l’Alternance Pacifique (CAP) regroupant les partis ayant pris part au dialogue avec la Majorité, à savoir APP, Al-WIAM et SAWAB. Cette Majorité a largement compensé le départ de certains partis politiques de sa coalition avec le rôle joué par le nouveau-né communément appelé aujourd’hui l’opposition participationniste’’.
Les mouvements de contestations qui ont secoué le monde arabe vers la fin de l’année 2010, ont réconforté l’opposition radicale dans sa position négationniste. Ainsi, elle a tenté de cloner cette nouvelle mode de se soulever contre les pouvoirs en place -ou printemps arabe- en misant d’abord, sur la jeunesse du 25 Février et ensuite, sur les étudiants de l’ISERI et de l’Université, sur la grogne des cadres de l’administration publique et enfin, sur le mécontentement généralisé des populations.
A partir du 12 mars dernier, la nouvelle stratégie de la COD consiste à manipuler conjointement touts ces facteurs précités pour créer les conditions d’un coup d’Etat sur lequel se fonde désormais le vrai espoir du changement escompté. Les nouveaux militaires drainés, l’IRA et leMTPN font également partie de ce cocktail (Molotov), voulu explosif contre Aziz et son pouvoir.
Concernant la jeunesse, elle est devenue plusieurs jeunesses à voir son atomisation et les orientations des groupes constitués alors que le mois de février s’est noyé dans les autres mois de l’année que nos enfants apprennent à la maternelle (janvier,…..et décembre).
L’action des étudiants n’a pas donné, elle aussi, l’effet d’entrainement souhaité car il s’agit d’intellectuels capables de distinguer les domaines de leur combat syndical par rapport à ceux à caractère purement politique et de découvrir le jeu des politiques et résister à la manipulation de ses auteurs.
Quant aux cadres de l’administration, des rumeurs circulant ces derniers temps, ont fait naitre chez eux de nouveaux espoirs et semblent les dissuader dans leur entreprise. Il s‘agit d’une instruction qui serait donnée aux Ministres par le Président de la République et qui consisterait à ne plus proposer à la nomination que des cadres détenteurs de fiches budgétaires et/ou parmi les Personnels Non Permanents (PNP).
L’autre rumeur concerne l’harmonisation envisagée des indemnités accordées actuellement (mensuellement) aux employés de quelques ministères en vue de mettre fin à une entorse à la réglementation (caractère régulier de ces indemnités) et à une injustice et frustration qui menaçaient la stabilité et le rendement des personnels des départements ministériels moins dotés financièrement et alors exclus de ce genre d’avantages.
S’agissant des mécontentements, personne ne peut nier leur existence prouvée par leur manifestation de la part des populations dans les grandes villes et dans plusieurs localités de l’intérieur du pays : syndicats, diplômés chômeurs, journaliers, médecins dentistes, éleveurs, jeunesse, IRA, MTPN, population des localités intérieures, immigrés, etc.
Au niveau des grandes villes, on bouge soit pour des intérêts souvent égoïstes, soit à des fins purement politiques sous l’effet de la manipulation ou de façon volontaire peut être. Pour la plupart des révoltés, c’est l’ère de déterrer les vieux dossiers (litigieux surtout) et d’essayer de forcer la main à un pouvoir jugé dans une mauvaise imposture ou pris au court.
Qu’on sache que les populations à l’intérieur du pays, poussées par les mêmes motifs créés suite au printemps arabe, agissent généralement pour soustraire à l’Etat des aides ou résoudre un problème que leurs élus n’ont jamais pris la peine de solutionner à leur niveau ou soumettre à qui de droit.
Oui, il est unanimement accepté qu’il y ait beaucoup de fumées qui montent souvent et de partout, mais elles ne proviennent pas, à notre avis, de feux dont les flammes risqueront de brûler Aziz. Après avoir observé les drames qui ont résulté des changements survenus dans les pays déjà conquis par le printemps arabe, les mauritaniens, déjà peu motivés pour le sacrifice, prennent conscience du danger de toute alternance non pacifique et s’abstiennent, en conséquence, de descendre dans la rue de la manière rêvée par les leaders de la COD.
Ces mauritaniens seraient plutôt favorables à toute action visant à détecter les erreurs et les déviations flagrantes ou abus du pouvoir et à les vulgariser dans le but de le dissuader ou de le faire revenir à la raison. On peut par exemple s’attaquer aux programme « Emel 2012 » et à sa gestion ainsi qu’aux problèmes liés à l’expiration du mandat de l’Assemblée Nationale et des Conseils municipaux, à l’appauvrissement de l’Administration et son envahissement par des cadres non expérimentés et non détenteurs de fiches budgétaires et profits requis, à la destitution de cadres occupant des postes techniques à cause de leur appartenance politique, à la conservation de Ministres ayant nuit à l’action du gouvernement par leur comportement (et décisions), les dernières nominations dans le corps diplomatique, le terrorisme, au soi-disant limogeage du Président de la Cour Suprême, etc.
En somme, l’impasse qui a engendré les troubles que continue de connaitre le pays depuis les dernières élections présidentielles et qui menacent l’existence d’une Mauritanie unie et indépendante, résulte du choix de ‘’la loi du tout ou rien’’ fait par l’opposition. C'est-à-dire le départ de Aziz ou la surenchère, indifféremment des conséquences probables sur l’avenir du pays et le bien-être des populations. Cette impasse perdure puisque l’opposition mise beaucoup, dans ses calculs, sur la situation dans le monde arabe et la sous-région, sur un éventuel revirement de la France et sur l’appui contradictoire de ceux qui œuvrent pour le rétablissement des relations avec Israël, d’un côté et l’accès des islamistes au pouvoir dans notre pays, de l’autre.
Parallèlement, il y a la stratégie de la Majorité et de la CAP qui, quant à elle, s’inspire de celle du Président de la République dont le comportement s’est, jusqu’ici, caractérisé par une forte retenue et une grande prudence qui, toutes deux, allaient signifier, surtout pour ses ennemis, une faiblesse et donner l’impression de quelqu’un de perturbé, à cours d’idées et d’initiatives.
Cette stratégie se fonde sur l’apaisement intérieur à croire l’orientation vers l’organisation d’un nouveau dialogue ouvert à la COD avec la possibilité de déboucher sur un gouvernement qui pourra s’élargir à l’opposition sous toutes ses formes (COD et ACP) et à certains partis de la Majorité.
Pour beaucoup d’observateurs, la COD ne participera, ni au nouveau dialogue proposé, ni au gouvernement d’union nationale dont parlent les médias. Mais elle pourrait donner, au plus, sa bénédiction pour un gouvernement de technocrates non versés dans la politique afin que les élections municipales et législatives puissent se dérouler dans les meilleures conditions de transparence et de neutralité. A l’issue de ces échéances et à la lumière de leurs résultats, il sera plus logique que la participation se fasse, tant pour les partis de la majorité que ceux de toute l’opposition, en fonction du mérite, c'est-à-dire du degré de confiance accordée à chaque parti par le peuple.
Le deuxième élément de cette stratégie serait la mise en cause de l’approche consistant à faire émerger une nouvelle classe politique en éliminant les intermédiaires traditionnels, c'est-à-dire Vouloul les anciens régimes parmi les cadres de l’Administration, les chefs traditionnels, les Cheikhs religieux et les hommes d’Affaires.
Il s’agit explicitement de répondre, de manière pragmatique, à la question pourquoi ces porteurs de voix, avec les ministres, les députés, les maires et les DG des grandes sociétés publiques, soutenaient toujours le candidat du pouvoir. Nul n’ignore que ceci n’a jamais été pour la particularité de ses références académiques ou sa brillante carrière et moins encore pour la pertinence de son projet de société. Généralement les gens sont plutôt mus par l’envie de préserver ou acquérir des avantages, notamment une influence donnée dans le système et des postes plus rentables économiquement ou, au moins, plus prestigieux aux yeux de la société.
A propos, l’intérêt général et l’orthodoxie dans la gestion des biens publics, ne constituent pas des thèmes mobilisateurs puisque les mauritaniens, gouverneurs et gouvernés, semblent être loin d’être préparés pour la radicalisation de la gestion des affaires de l’Etat. Majoritairement, nos concitoyens concordent sur la nécessité d’un certain niveau de réalisations concrètes sur le plan professionnel pour tolérer des exactions profitables aux parents, à la tribu, à l’ethnie ou la sensibilité politique et l’électorat.
Dans le cadre de la stratégie présidentielle, les jours à venir pourront aussi connaitre la redynamisation de la machine du pouvoir pour noyer davantage la contestation et assurer une dislocation des adversaires. A ces fins, il sera procédé à l’exploitation des bienfaits de l’actuel découpage administratif en mettant en concurrence et/ou à contribution, à l’échelle locale, les cadres nommés et tous les soutiens du pouvoir au sein et en dehors de l’UPR. Il n’est secret pour personne que ce découpage a été fait de sorte que Nouakchott est presque la seule ville où le rôle de la tribu et de l’ethnie n’est pas déterminant dans la manipulation et les choix politiques des populations.
L’analyse de ces quelques éléments déductibles à partir du comportement des uns et des intentions des autres parmi les principaux acteurs politiques, montre que notre pays vit une crise dont la transformation en conflits direct ne dépend que de la France qui détient le détonateur de l’arme censée être entre les mains des détracteurs. Pour d’autres, le présent duel auquel se livrent la Majorité et l’Opposition est plutôt un signe de maturité politique et non le résultat de querelles de personnes qui défendent des intérêts égoïstes ou aspirent à réaliser des ambitions spécifiques propres.
Enfin, vous êtes invités, chers lecteurs, à se rappeler d’autres réalités propres à notre société et au rôle de l’influence étrangère dans les changements en Mauritanie afin de pouvoir prédire en faveur de qui évoluera cet duel qui s’est davantage concrétisé et affirmé à travers le slogan « Aziz dégage » prôné par la COD et celui de « Aziz reste » que la Majorité et plusieurs initiatives de la société civile appuient par « koullouna Aziz ».
Dr Sidi El Moctar Ahmed Taleb

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